Être la fille la plus célèbre au monde, un rêve ou un cauchemar ?
Le visage d’une jeune fille apparaît simultanément sur tous les écrans du monde pendant quelques secondes : les smartphones, les télés, les ordinateurs et même les outils de surveillance militaire. Signe divin ou complot, les rumeurs les plus folles se mettent à enfler. Du jour au lendemain, Laura devient la fille la plus célèbre de la planète. Pourtant, avant cet événement renommé » l’Apparition « , sa vie était celle d’une ado comme les autres. Elle-même ignore pourquoi elle se retrouve au cœur de ce piratage, qu’on attribue à une IA. Quand Laura se voit forcée de se retrancher dans la maison ultrasécurisée d’un milliardaire américain, elle décide de chercher à comprendre…
Quand j’ai refermé Célèbre à en mourir, j’ai eu ce petit vertige qui mêle admiration, malaise et un soupçon de crainte. Alain Gagnol réussit un tour de force rare : livrer un roman totalement de science-fiction… et pourtant terriblement plausible. Et c’est bien là que réside la gifle : on lit en se disant « ça pourrait arriver demain ». Ce réalisme dérange, il glace, et il rend l’histoire impossible à lâcher.
Laura, jeune fille ordinaire jusqu’à l’« Apparition », devient du jour au lendemain l’être le plus médiatisé de la planète — un visage imposé sur tous les écrans, comme arraché à son corps. Le concept est déjà brillant. Gagnol pousse l’idée jusqu’à l’oppression : paranoïa, rumeurs déchaînées, huis clos numérique orchestré par un milliardaire. On suffoque avec Laura, on guette chaque faille, on se demande sans cesse qui manipule qui.
Et il y a ce découpage en parties, dont les simples titres font grimper la tension avant même de tourner la page. Ils agissent comme de petits coups de gong : chaque annonce prépare le lecteur à plonger plus profond dans la spirale, avec ce mélange d’excitation et d’appréhension qui colle à la peau.
Ce que j’ai adoré, c’est que le roman reste haletant tout en questionnant profondément. Les gadgets technologiques ne sont pas décoratifs : ils incarnent la peur la plus intime, celle de perdre sa propre image, son identité, son existence même. Le style, fluide et nerveux, ménage des respirations avant de replonger le lecteur dans l’accélération. Résultat : on tourne les pages avec l’estomac noué et l’impression de lire une dystopie ancrée dans l’actualité.
C’est glaçant, brillant, et follement addictif. Gagnol signe ici un thriller SF qui frappe là où ça fait mal : au croisement entre ce qu’on imagine et ce qu’on redoute de voir arriver pour de bon.
Et même si le roman est publié dans une collection ado, il fonctionne tout aussi bien pour des lecteurs adultes. Les thématiques universelles — identité, image, manipulation, dérives du pouvoir — dépassent largement le cadre du young adult. On y trouve le même frisson, la même profondeur et les mêmes questionnements que dans un grand thriller contemporain.
Célèbre à en mourir d’Alain Gagnol, Syros, ISBN 978-2748538991, 17,95€