Voleuse, menteuse pathologique et arnaqueuse, Martha Sprinkle est persuadée d’être une sorte de génie du crime. Ses victimes : les passagers des vols intérieurs qui prennent du temps pour récupérer leurs bagages. Elle les vole sans état d’âme, avec la complicité de Daryl Hotchkins, qui accepte de la servir contre l’espoir d’un seul rapport sexuel par an. Mais voilà, leur dernière arnaque tombe à l’eau, ils sont découverts et Martha en profite pour s’enfuir en laissant tomber Daryl. Décidée à changer de vie, Martha effectue un détour chez sa fille Poppy pour lui voler toutes ses économies destinées à son club d’ahuris, adeptes du trampoline, avant de vouloir récidiver chez sa propre mère Adora, esthéticienne pour chien… Toute cette bande de barges hauts en couleur se poursuit jusqu’à Provincetown, où Martha tombe amoureuse d’un employé de la fourrière municipale, pendant que le festival de l’anulingus bat son plein dans les rues de la cité…
J’arrête là, et non, je n’ ai pas fumé des substances illicites. Je viens de vous résumer le livre, ou plutôt l’OLNI (Objet Livresque Non Identifié) de John Waters, le cinéaste trash de Pink Flamingos, Polyester, Cry Baby ou Serial Mother pour ne citer qu’eux. Sous-titré « une romance feel-bad », ce roman est un festival de scènes plus folles les unes que les autres. C’est cru, c’est déjanté, c’est vulgaire, c’est complètement tordu. Ça part dans tous les sens et ça n’a ni queue ni tête, mais c’est hautement jouissif. Si le début fait penser à un road-movie assez classique, très vite l’auteur nous envoie dans un univers foutraque. Entre les adeptes du trampoline qui sautent partout sans arrêt, Daryl qui, à la suite d’une agression, se voit doté d’un pénis qui parle et qui manifeste des penchants homosexuels, Adora la mère qui réalise des séances de lifting sur les chiens, dont le propre animal finit par se comporter comme un chat, et surtout ce festival d’adeptes du léchage de trous de balle, le lecteur est assommé par la multiplication des chapitres surréalistes qui le pousse à la limite. Car oui, dans tout ce délire, on finit par trouver un peu longuette cette histoire de sauteurs réitérée à chaque page : trop d’excès tue l’excès, aurais-je envie de dire, si bien que l’on se surprend à souhaiter la fin. Elle survient d’ailleurs comme un peu un cheveu dans la soupe, à l’image de ce livre totalement décousu, comme j’ai rarement eu l’occasion d’en lire. J’imagine le travail de la traductrice devant ce manuscrit…
Je remercie les éditions Babel pour m’avoir permis de découvrir ce que je ne pensais pas lire un jour !
John Waters – Sale menteuse : une romance feel bad – traduction de Laure Manceau – Éditions Babel/acte Sud – Juin 2025 – 8,90 € – ISBN 978-2-330-20605-5