Nouvelles vagues, de Pierre Bordage

La petite musique d’un conteur

Depuis la publication des Guerriers du silence, Pierre Bordage s’est imposé comme une des valeurs sûres de la science-fiction française. Nouvelles Vagues est le quatrième recueil de nouvelles d’un auteur plus connu pour ses romans. On va voir qu’il maîtrise aussi la forme courte.

Dans toutes les directions
On commence avec Si tu ne vas pas à Nantes, une histoire qui montre comment les Nantais, dans un futur européanisé et novlanguisé, fuient vers une autre planète. Amusant. Sans destination nous raconte l’histoire de Ju et Dizzie, deux jeunes gens qui embarquent sur un vaisseau en quête d’une planète où mener une vie meilleure. Ju suit Dizzie dont il est tombé amoureux. C’est doux, preuve supplémentaire de la sensibilité de Bordage. Mobipolis est plus traditionnel : un jeune homme rêve de partir de sa planète et visite la ville nomade de Mobipolis. Après une discussion avec ses habitants, il reviendra de ses illusions. L’histoire évoque Villes nomades de James Blish, sur un mode nettement désabusé. Un peu comme Aliéné.e.s où un écrivain raconte comment il a servi de caution à une guerre coloniale d’extermination… et qui change d’avis grâce à une générale idéaliste.

La science-fiction dans tous ses états
Pierre Bordage connaît la SF et maîtrise tous ses thèmes. Avec La perle du Sagittaire, où deux explorateurs, un homme et une femme, vont sur une planète, attirés par les ruines d’une ville. Mais ils sont victimes d’une illusion montée par une créature qui veut les dévorer ; il marie space-opera et vertige dickien. Avec Trex, c’est histoire d’un premier contact entre une exolinguiste accompagnée d’un commando belliqueux face à des monstres télépathes bienveillants… mais prudents. Pourquoi pas ? Anecdotique mais sympathique.

Amertumes nous transporte dans un futur où l’humanité est gouvernée par un dictateur : son goûteur personnel est accusé de l’avoir empoisonné. Il n’a pourtant rien fait, l’histoire est la sombre description d’une machination. Et le verbe se fit cher fait rire et trembler : le brevetage des mots amène les écrivains à utiliser la phonétique. Une nouvelle qui étend les tentatives américaines du brevetage du vivant à la langue. Bonjour la marchandisation du monde !

Tout n’est pas bon mais…
Comme tout auteur, Bordage a ses baisses de forme, on l’a vu. H+, nouvelle sur les modifications génétiques, n’est pas d’un grand intérêt, tout comme De hauts en bas : un jeune homme et une jeune fille découvrent le sort peu enviable de ceux d’en bas. Plus émouvante est De l’avant qui raconte comment, après l’apocalypse, des humains récupèrent l’accès aux livres et aux mots.

Terminons ce recueil avec Nouvelles vagues où un jeune homme est condamné à mort dans une petite communauté par un pasteur stupide et étriqué mais il sera sauvé par… les plus jeunes. Bordage s’est toujours méfié des excès des religions, à raison. Et ici, il fait mouche.

S’il a encore des histoires comme ça à nous raconter, allons-y !

Pierre Bordage, Nouvelles vagues, L’Atalante, ISBN 9791036002250, illustration de Thomas Dambreville, avril 2025, 240 pages, 15,50 euros

Laisser un commentaire