Antoine, un fils aimant, de Sandrine Cohen

Que s’est-il passé ce jour-là dans le petit pavillon de Meudon ? Antoine Durand appelle les secours, affolé. Ce gamin de 17 ans sans histoires, plutôt secret et bon élève, vient de tuer son père d’un coup de fusil. Un accident. Son père, chasseur, avait oublié de décharger l’arme. Depuis des années il insistait pour que son fils essaie de tirer. Bravade, jeu qui tourne mal, le coup est parti. Antoine s’accuse et s’enfonce dans son silence. Le juge d’instruction chargé de l’enquête a tout de même des doutes : tout parait trop simple, trop net, trop arrangé. Intervient alors Clélia Rivoire, enquêtrice de personnalité, qui va devoir faire la part du vrai et du faux dans cette histoire. Parce que derrière la mort de Xavier, le père, elle perçoit d’autres drames, d’autres violences cachées.

Clélia Rivoire est la personne même qui ne peut laisser indifférent : soit on l’aime, soit on la déteste. Elle est trop, en tout. Elle boit trop, roule trop vite, est facilement agressive et vulgaire, têtue et ne reconnaissant pas ses torts, avec une obsession pour le sexe qui confine à la nymphomanie. Un passé de victime de viol qui n’arrange rien à son état psychologique, au point qu’on en viendrait à plaindre le psychiatre qui devrait faire son analyse. Cet excès en tout, omniprésent, peut perturber le lecteur qui le trouvera sans doute un peu redondant. Mais si l’on sait en faire abstraction, comme moi, on se retrouve devant un étonnant roman psychologique qui pose une question à laquelle il n’est pas simple de répondre : peut-on expliquer, « justifier » la violence familiale en remontant à la source du problème ? Qui est coupable dans cette histoire ? Antoine pour avoir tué son père ? Sa mère Cybelle ? Son père Xavier ? Les parents de ceux-ci ? À coups de flashbacks, Sandrine Cohen retrace le passé d’êtres simples qui de victimes sont devenus agresseurs. Un cheminement proche, peut-être un peu répétitif, mais qui illustre une vérité : selon les statistiques, un enfant victime de violences conjugales présente plus de dix fois plus de risques d’être lui-même violent. Et Clélia, qui dit elle-même que tout coupable doit payer quel que soit le motif, finit par se laisser dépasser par ses sentiments au point de récuser le jugement du tribunal.

Un jugement en demi-teinte qui clôt ce roman hurlant de non-dits et de secrets péniblement dévoilés, mais l’auteure elle ne juge pas, elle ne prend pas partie, elle demeure dans une logique imparable. Un happy end ? Pas vraiment. Mais une conclusion qui se justifie pleinement.

Sandrine Cohen – Antoine, un fils aimant – Éditions Belfond – Février 2025, 20€ – ISBN 978-2714404671

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