Stella et l’Amérique de Joseph Incadona

Elle n’est ni la plus belle ni la plus futée, Stella. Mais elle est loyale. Et surtout c’est une sainte, une vraie, une qui fait des miracles. Il n’y a qu’à voir ceux qui ressortent de sa caravane. Les aveugles ? Rendus à la vue ! Les paralytiques ? Redressés pour de bon. Un « don » charnel de guérison qui fait trembler jusqu’au Vatican, où l’on préfère les saintes vierges, pas celles qui monnayent leurs charmes. Dépêchés en Amérique, deux tueurs à gages se lancent aux trousses de la prostituée, bien décidés à la jeter en martyre aux coyotes… Quitte à se frotter à quelques anges gardiens, pas avares sur la multiplication des pains !

Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre avec ce petit bouquin d’à peine plus de 200 pages, au sujet duquel les avis semblaient assez divergents, et c’est avec une grande curiosité que j’en ai entamé la lecture.

Un peu déroutée au début par l’écriture qui relève souvent du langage parlé, j’ai cependant vite adopté le style sans fioritures, parfois vulgaire, voire cru, de l’auteur et surtout sa façon d’intervenir lui-même dans sa narration et d’interpeler le lecteur afin de l’inclure lui aussi à l’histoire. Une plume qui surprend encore à certains autres moments quand elle devient poétique ou quand elle offre des effets de style plutôt réjouissants. 

Et s’il y a un moment où l’avidité peut être belle, c’est maintenant, dans ce simple fait d’accueillir le geste d’un homme donnant à boire à une femme absolument vulnérable et rendue fragile ; c’est pour un tel moment de grâce que je suis né en verseau. Et pour le dire que je suis devenu écrivain.

Il en résulte un mélange un peu étrange, mais résolument personnel, qui m’a fait me demander plusieurs fois : mais comment, avec cette phrase qui n’est même pas belle, même pas bien foutue – je suis correctrice, ceci explique cela – comment fait-il pour exprimer autant de beauté pure ? Comment fait-il pour faire passer autant d’émotion ? Un mystère ! Mais un mystère qui fonctionne, qui, allié à une histoire complètement déjantée, mystique et burlesque à la fois, loin des stéréotypes et des intrigues convenues, m’a changée de mes lectures habituelles.

Les personnages sont tous plus excentriques les uns que les autres, évoquant une galerie tout droit sortie d’un Tarantino genre Pulp Fiction, et les dialogues sont jubilatoires. Le tout ne manque pas non plus de profondeur, et l’auteur ne se gêne pas pour exprimer ses idées et brocarder d’un ton acide la bien-pensance, l’hypocrisie, les idées toutes faites et les convenances.

Un roman décidément étonnant et très rafraîchissant, noir, irrévérencieux mais drôle, que je recommande aux curieux comme aux lecteurs exigeants, et pour lequel je remercie les éditions Pocket.

Stella et l’Amérique par Joseph Incadona, Pocket

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