Deux jeunes personnes. Un garçon et une fille. Un premier amour entier, spirituel plus que charnel, parce que la jeune fille n’est pas prête. Elle doit se rendre dans une mystérieuse cité où le temps n’a plus cours, où les habitants n’ont plus d’ombre, ville entourée de hauts murs qu’il est interdit de franchir. Alors le jeune homme attend. Il est prêt à tous les sacrifices pour elle. Et pus un jour, elle disparaît sans laisser de traces. Il la cherche partout. Le temps passe, les souvenirs restent. Il finit par atteindre la cité, il abandonne son ombre, il devient liseur de vieux rêves. Il y croise une jeune femme qui ressemble à son amour perdu, mais ce n’est pas tout à fait elle. Et le temps passe encore, il quitte son emploi, se réfugie dans une petite ville perdue dans la montagne et devient directeur de la bibliothèque municipale. Il y fera d’étonnantes rencontres, comme l’ancien directeur Koyasu avec son béret et sa jupe, un jeune garçon sans nom portant invariablement un sweat Yellow Submarine et une jeune divorcée qui tient un café. Toutes ces personnes vont interagir dans son existence, avec, toujours en toile de fond, cette Cité qui n’a jamais cessé de le hanter.
Lire un roman d’Haruki Murakami, c’est abandonner la part de réalité qui est en nous pour plonger dans l’irréel, la rêverie, l’imaginaire. La mélancolie, peut-être encore plus dans celui-ci, où le fantastique prend une place prépondérante. La cité aux murs incertains semble provenir tout droit d’un passé lointain, mais également d’un conte d’heroic fantasy, avec ses licornes et son gardien de la porte. Mais résumer le roman à cela serait trop facile et trop simpliste. Car au-delà de cette rêverie que vit le personnage principal tout au long de ces pages, c’est une réflexion plus profonde sur le monde qui nous entoure, sur notre existence, nos désirs. Doit-on vivre avec ses souvenirs, savoir se contenter de ce que l’on possède ou chercher ailleurs une autre existence, quitte à sacrifier celle que l’on a bâtie ? La métaphore de l’ombre que l’on abandonne est remarquable. Tout au long du roman, le protagoniste oscille entre sa vie réelle de bibliothécaire et sa vie imaginaire de liseur de rêves… À moins que cela soit l’inverse ? Car Murakami nous amène à douter de la réalité. Qui est l’ombre, qui est l’être réel ?
Un formidable roman comme seul le maître japonais sait les écrire.
Je remercie les éditions Belfond pour leur confiance à mon égard.
Haruki Murakami – La cité aux murs Incertains – traduit par Hélène Morita & Tomoko Oono – Éditions Belfond – janvier 2025, 25 €