De Martha Jane Cannary, mieux connue sous le nom de Calamity Jane, on ne sait pas grand chose. Aînée d’une famille de trois enfants, originaire du Missouri, échouée à Salt Lake City, orpheline de mère et abandonnée par son père, Calamity Jane forgera elle-même sa légende en se créant un destin et des aventures où le vrai plutôt rare côtoie le faux. Elle aura exercé de multiples métiers, cuisinière, serveuse, mais aussi prostituée, éclaireuse militaire, tenancière de saloon et éleveuse de bétail. Alcoolique à l’extrême, elle finira par mourir en 1903, peut-être à l’âge de 51 ans, d’une pneumonie. Fin (ou début) de la légende…
Après son brillant opus sur l’expédition Mawson, Metz et Ninnis dans l’Antarctique, Quand on eu mangé le dernier chien, déjà paru chez Au Diable Vauvert, Justine Niogret s’empare du mythe pour se le réapproprier et le réinventer. Ne cherchez pas ici de gunfights, de westerns sanglants et de duels au coucher du soleil, ce n’est pas le sujet de ce roman. L’auteure nous livre plutôt une œuvre toute en réflexion, en introspection, une sorte de monologue où une Calamity Jane vieillissante, mourante – morte peut-être ? – se souvient de son passé depuis son enfance jusqu’à ses derniers instants fatidiques. Elle a pour témoin le mystérieux Khamsa VéNazar, un être dont on se demande s’il est réel ou s’il sort tout droit de son esprit tourmenté. Après tout, la khamsa, mieux connue sous le nom de main de fatma, est un talisman censé protéger son possesseur contre le mauvais œil. Et Nazar fait référence au mauvais œil.
Juliette Niogret ne juge pas, elle n’embellit pas, elle restitue ce que fut sans doute la vie d’errance de cette fille puis cette femme trop tôt livrée à elle-même. Les souvenirs se succèdent, Calamity Jane réalise son autocritique, elle qui n’a jamais su aimer et s’aimer, découvre qu’il y a eu du bon en elle. Elle n’était sans doute pas faite pour un monde si dur, mais elle a tout fait pour s’y adapter, elle a su résister. Loin de l’image imposée par Hollywood, c’est surtout un être perdu que l’on découvre ici. Un roman poignant, un personnage émouvant, et au-delà de ça, le talent de l’écriture de l’auteure, qui fait mouche et vient titiller les émotions au plus profond.
Indiscutablement un grand livre.
Je remercie infiniment les Éditions Au Diable Vauvert qui une nouvelle fois m’ont accordé leur confiance, j’espère en être digne.
Justine Niogret – Calamity Jane, un homme comme les autres – Éditions Au Diable Vauvert – parution le 04/09/2025, 19€ – ISBN 979-10-307-0733-5