Détective privé sans ambition, Patrick Kelly est satisfait de faire rouler sa modeste agence à coups de maris volages, de petites fraudes et de pères mauvais payeurs. Et tant qu’il conserve la garde partagée de sa fille, qu’il peut écouter du blues en maltraitant sa guitare et échantillonner des whiskies, il est satisfait. Tout bascule le jour où une jeune religieuse lui confie la mission de retrouver un vieux crucifix ayant jadis servi à invoquer le diable. Kelly se retrouve confronté à des satanistes qui entraînent de jeunes fugueuses dans leurs rites noirs. Parallèlement, les corps écorchés se multiplient dans les églises de Montréal, et la police en a plein les bras. De tous les côtés, le passé rattrape Patrick Kelly…
J’avais déjà lu Hervé Gagnon dans son registre habituel – le roman historique -, mais avec Chemin de croix il effectue une incursion dans le thriller ésotérique qui est un genre que j’apprécie de temps à autre.
L’histoire met en parallèle deux enquêtes, l’une menée par un privé, et l’autre par un flic de ses amis, deux enquêtes qui, on le devine très vite, concernent une seule affaire.
Les protagonistes sont très torturés, et en premier lieu le personnage principal, Patrick Kelly, qui peut sembler de prime abord très caricatural. C’est un ancien flic brisé par un drame dont il est responsable, divorcé, avec une ado à problèmes et une sérieuse addiction au whisky, cependant le portrait est assez bien brossé pour qu’il prenne vie sous nos yeux, et on se retrouve même à éprouver de la sympathie pour lui.
L’enquête se révèle difficile, mais l’auteur la déroule de manière astucieuse, tout en nous dévoilant petit à petit le passé du privé et en explorant les arcanes complexes de sa psyché. Le suspense est assez bien cultivé, avec des chapitres courts, des rebondissements et quelques scènes d’action, dans une atmosphère très sombre et étouffante. Les bas-fonds de la ville de Montréal sont eux-mêmes utilisés efficacement afin de renforcer l’ambiance pesante et glauque.
L’ensemble est émaillé de scènes plutôt crues, qu’elles soient de violence ou de sexe, et le texte fourmille d’expressions québécoises savoureuses et hautes en couleur, présentes surtout dans les dialogues, ce qui confère un petit côté original au roman. Quant à la fin, elle m’a laissée « sur mon séant » tellement elle m’a surprise !
Un bon moment de lecture.
Chemin de croix, Hervé gagnon, Eaux Troubles poche, 9,90€