Cinq femmes, toutes victimes du même tueur en série, sont ramenées d’entre les morts – ou plutôt clonées en grande pompe par une agence gouvernementale à l’image ternie. Un coup de com dont personne ne pouvait imaginer les répercussions médiatiques perverses. Restituées à leurs familles en deuil, elles retrouvent les vies qui leur ont été arrachées, portant en elles les souvenirs, émotions et traits de caractère de leurs versions originales. Du moins en apparence. Pour Lou, la dernière victime, l’amour maternel se heurte à l’étrangeté du retour : sa fille de neuf mois la rejette, ses souvenirs vacillent. Tandis qu’elle cherche à comprendre le mystère vertigineux de sa propre mort, elle découvre que son “soi d’origine” envisageait de tout quitter. Que s’est- il réellement passé ?
Ce thriller futuriste déjoue les codes classiques du genre dès les premières pages. On retrouve Lou, répliquée après avoir été assassinée par un tueur en série, dans un monde audacieux qui commence au seuil de la mort. Un postulat narratif original et terriblement efficace pour questionner notre rapport à l’identité.
Au lieu de partir sur une quête effrénée pour élucider le crime, Katie Williams choisit d’explorer l’impact psychologique intime et social de la « résurrection » de Lou. La tension ne réside pas dans l’enquête elle-même, mais dans le malaise brut que ressent Lou face à sa fille de 9 mois qui la rejette, à ses souvenirs fragmentés et au poids d’un « soi d’origine » qu’elle ne comprend pas.
La narration dénonce sans détour les travers de notre société : la marchandisation des émotions, la fascination malsaine pour la violence et la mise en scène de soi à l’ère du numérique. À travers une dystopie à peine exagérée, Katie Williams pointe notre désir voyeuriste mêlé à l’omniprésence des réseaux sociaux, avec un équilibre subtil entre réflexion et immersion.
L’un des aspects les plus réussis du roman réside dans la manière dont l’autrice glisse les éléments de son monde futuriste. Pas d’exposition laborieuse ni de jargon techno pompeux : les détails viennent par petites touches, au fil des pages, presque comme des reflets dans un miroir. Une conversation banale évoque une avancée médicale, un détail du quotidien révèle une société profondément transformée… Cette discrétion renforce la crédibilité de l’univers, et permet une immersion naturelle sans jamais freiner le rythme de lecture.
Lou s’exprime à la première personne avec une lucidité désarmante : introspective, émotive et parfois troublée, sa voix nous invite à partager son questionnement existentiel. Le récit prend son temps. Ce qui est tantôt une force, tantôt un frein selon le lecteur.
Ce qui m’a vraiment marquée :
- Le décor techno-proche de notre société, crédible et angoissant, où la frontière entre vie privée et produit marketing s’efface.
- La relation mère-fille, poignante, émotionnelle, qui révèle à quel point la parentalité repose sur un socle plus profond que la simple présence physique. Lou redevient “mère” mais sans le lien affectif. Touchant et troublant.
- Une conclusion hors des clichés, réfléchie et métaphorique, qui offre plus de profondeur que les thrillers à twist spectaculaire.
- Une SF douce, fluide, accessible, jamais démonstrative, à mille lieues du sensationnalisme. On sent que ce futur n’est pas là pour briller, mais pour faire sens.
Ce roman s’adresse à celles et ceux qui aiment les thrillers capables de mêler émotion, questionnements philosophiques et critique sociale. Si vous cherchez un page-turner jusqu’au boutiste, le rythme plus lent pourrait déconcerter. Mais si l’introspection vous parle, vous trouverez ici une vraie pépite.
Mon assassinat est un roman perturbant et fascinant, qui interroge avec subtilité le concept d’identité, de mémoire et notre appétit pour la violence. Katie Williams signe un récit ambitieux, parfois complexe, mais toujours réfléchi et surtout librement innovant, dans un futur discret et diablement plausible.
Mon assassinat, de Katie Williams, Actes Sud, ISBN 978-2330206383, 22,50€.