Dessinatrice douée et passionnée d’art, la jeune Virginie a des ambitions plein la tête. C’est compter sans son père, exploitant de carrières de pierre, qui voit dans le mariage de sa fille avec le fils d’un carrier un projet aussi intéressé que lucratif. Mais la jeune femme, au caractère bien affirmé, rêve en grand et aspire à mener sa vie comme elle l’entend. Attirée depuis toujours par le prestige de la capitale, elle parvient à s’y rendre à l’insu de sa famille. En ces années de foisonnement artistique intense, une autre vie, ponctuée d’embûches et de rencontres, commence alors pour Virginie.
Je lis tous les romans de Véronique Chauvy, sans exception, et à chaque fois c’est le même constat : je ne suis jamais déçue. Mieux encore : je me surprends à m’enthousiasmer pour des thèmes que je n’aurais pas forcément choisis de moi-même. Cette capacité à rendre passionnant ce qui semble anecdotique au départ, c’est, pour moi, tout le talent de cette autrice.
Prenons la lave émaillée, par exemple. Avouons-le, en lisant les premières pages, on se dit un peu « Mais qu’est-ce donc que cette drôle de matière ? » Et puis, à mesure que l’histoire avance, on comprend qu’on la connaît déjà, qu’elle fait partie de notre quotidien depuis toujours, souvent sans qu’on en ait conscience. Et comme souvent avec Chauvy, l’art, l’histoire et l’émotion s’entrelacent sans jamais peser. Depuis que j’ai fini ma lecture, je me surprends à scruter les façades des bâtiments à la recherche de cette fameuse lave émaillée.
Dans ce nouveau roman, on suit Virginie, jeune femme décidée à tracer sa propre voie malgré les attentes d’un père bien décidé à lier son avenir à un mariage de raison. Encore un personnage féminin fort qui tente de s’affranchir d’un monde patriarcal et, encore une fois, c’est une réussite. Car derrière les couleurs, les pinceaux et la beauté des œuvres créées, il y a aussi cette réalité brutale : la signature de Virginie est effacée, son talent invisibilisé. Et ça fait mal. Vraiment.
Véronique Chauvy a ce don rare de nous raconter des trajectoires féminines avec une justesse pleine de retenue, de nous faire vibrer pour des combats discrets et de nous offrir, à travers des récits sensibles, des éclairages précieux sur des pans méconnus de l’Histoire.
Un roman à la fois doux et révoltant, inspirant et réconfortant. Et une très belle réussite, encore une, à ajouter à la bibliographie d’une autrice décidément incontournable.
La chance sourit aux audacieuses, de Véronique Chauvy, éditions De Borée, ISBN 978-2812940392, 20,90€