Au pays des flics borderline de romans, l’inspecteur Ray Lennox est un cas. Un policier écossais qui n’est pas sûr d’en être un, qui traîne un drame personnel au plus profond de lui, un viol lorsqu’il était jeune, et qui depuis s’est juré de mettre tous les criminels pédophiles sous les verrous. Une traque incessante, un tonneau des Danaïdes aux relents de souffre, au point d’en oublier sa vie personnelle.
Après l’avoir découvert brièvement dans Une ordure, et suivi jusqu’à Miami dans Crime, où il se remettait péniblement d’une dépression en compagnie de son éternelle fiancée Trudi avant de se lancer au secours d’une fillette abandonnée, nous retrouvons donc Lennox, toujours aussi paumé. Alcool et drogues ne font guère bon ménage avec un esprit vif. Le voilà sur une affaire de meurtre sordide, un député raciste et corrompu retrouvé nu, ligoté, les parties génitales sectionnées au couteau. Les suspects sont nombreux, depuis ses opposants jusqu’aux mouvements LGBT dont certains prônent les méthodes radicales. Dans un commissariat où son supérieur ne songe plus qu’à la retraite et où ses collègues semblent tous plus miteux les uns que les autres, l’inspecteur traîne son existence asthénique à la recherche du coupable. Il est confronté à deux problèmes personnels : lassée de sa vie décousue, Trudi le quitte, et son neveu, trans à la recherche de son identité face à des parents dépassés, fuit le domicile parental sans prévenir. Et il se pourrait que sa disparition ait un lien avec le milieu qu’il fréquente, la mort du député et la castration ratée d’un homme politique anglais pour qui les autorités imposent un black-out quasi total.
Irvine Welsh, pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore, c’est l’auteur du génial Trainspotting et de ses suites. Des romans crus, souvent violents, où l’alcool, la drogue et le sexe circulent avec une certaine complaisance. Ray Lennox n’échappe pas à ce schéma : il boit trop, se drogue beaucoup trop, quitte à le regretter plus tard par des migraines et des douleurs abdominales épouvantables. Mais contrairement à certains auteurs et à leurs personnages toxicomanes, Welsh fait de la came une entité pleine et entière, incontournable du policier. Ce parti-pris lui a d’ailleurs été reproché par le passé, il se justifie pourtant dans le récit même. Le monde n’est pas tout blanc – tout rose – ou tout noir, et si Ray Lennox cède facilement à ses pulsions, c’est souvent aussi pour oublier le marasme, la médiocrité qui l’entourent, la violence physique, et aussi pour se donner du courage. Au même titre que Harry Hale, l’antihéros de Jo Nesbø, même si Lennox parait plus fragile de prime abord.
Ma seule réserve (même si dans le contexte du livre cela peut se justifier) concernera l’usage de l’écriture inclusive par moments et des « iels », des « ellui » et autres qui, j’avoue, ont tendance à alourdir le texte et me gonfle un peu…
Une nouvelle fois, Au Diable Vauvert nous offre un roman d’envergure comme très souvent chez cet éditeur, qui reste un de mes préférés tant on est sûr d’y trouver bonheur et matière à lire quel que soit le genre recherché. Je le remercie une nouvelle fois pour sa confiance et, si ce n’est pas encore fait, je vous conseille de vous jeter sur les livres d’Irvine Welsh, un formidable auteur.
Irvine Welsh – Les longs couteaux – Éditions Au Diable Vauvert, mars 2025, 24,5 € – ISBN 979-10-307-0661-1