Nos enfances volées, d’Alain Léonard

La revanche d’un orphelin
Indre-et-Loire, 1870. Confié bébé à un orphelinat religieux, Gabriel subit sévices et privations jusqu’à sa fuite pour Paris, peu avant ses 18 ans, aux côtés de son ami Émile. Embauché sur le tout nouveau chantier de la tour Eiffel, Gabriel prendra-t-il enfin sa revanche ?

J’avais déjà beaucoup apprécié les précédents romans d’Alain Léonard. Son nouveau roman, Nos enfances volées ne m’a pas déçue. Ce roman historique, qui se déroule notamment dans le Paris de la fin du XIXe siècle, parvient à conjuguer avec justesse une précision documentaire impressionnante et une grande charge émotionnelle.

Après une première partie très juste sur l’existence épouvantable dans les orphelinats de l’époque et l’hypocrisie des religieux, Gabriel, le héros, monte à la capitale.

Le cadre est immédiatement prenant : l’action se déroule pendant la construction de la Tour Eiffel, ce chantier titanesque qui a marqué l’imaginaire collectif mais que l’on découvre ici sous un jour nouveau. L’auteur ne se contente pas de saupoudrer quelques dates : il nous plonge dans les coulisses du projet, les débats qu’il a suscités, les prouesses techniques, les ouvriers qui l’ont rendu possible. C’est vivant, rigoureux, fluide. Et surtout, jamais gratuit. L’Histoire est au service de l’histoire.

Et quelle histoire ! Celle de Gabriel, un jeune garçon confié aux institutions de l’époque, ballotté entre orphelinat et abandons familiaux successifs. Gabriel, c’est un personnage qui serre le cœur sans tomber dans le misérabilisme. Sa voix résonne longtemps après la dernière page. Et c’est peut-être là la plus grande force de ce roman : faire exister les invisibles, donner une voix à ceux qu’on a souvent relégués au bas des pages de nos manuels d’Histoire. Comme toujours avec cet auteur.

J’ai été particulièrement touchée par la manière dont Alain Léonard traite le thème de l’enfance maltraitée et de la résilience. On sent une grande humanité derrière l’écriture, un respect sincère pour les trajectoires cabossées. L’émotion affleure sans jamais forcer, et certaines scènes m’ont tiré une larme. Ce n’est pas un roman triste, c’est un roman juste.

À noter également : le style est à la hauteur du propos. Sobre, efficace, mais ponctué de passages d’une poésie discrète qui m’ont surprise et charmée. On sent que chaque mot a été pesé, chaque détail pensé. Et quand on referme le livre, on a la sensation d’avoir appris quelque chose. Sur l’époque, sur les institutions, mais aussi sur ce que c’est qu’être un enfant quand on n’a pas les bons papiers, pas les bons parents, pas les bons appuis.

Nos enfances volées est un roman profondément humain, à mettre entre toutes les mains. Il parlera autant aux amateurs de romans historiques qu’à celles et ceux qui aiment qu’on leur raconte des histoires vraies… même quand elles sont romancées. Une lecture précieuse, à la fois instructive et bouleversante.

Nos enfances volées, d’Alain Léonard, éditions De Borée, ISBN 978-2812940064, 20,90€

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