Persona – Livre 1, de Ielenna

Dans le monde de Lux, les enfants qui ont été touchés par la Lumière développent des pouvoirs singuliers. Mais, loin d’être admirés, ces êtres exceptionnels sont craints et méprisés par le reste de la société. À leurs dix-huit ans, un terrible choix s’offre à eux : se marier et abandonner leur Don précieux, ou rejoindre le Culte de la Lumière, faisant ainsi une croix sur leur liberté. Ce dilemme, Andrea le refuse, puisque son rêve est d’être libre tout en conservant sa magie. Après tout, Andrea a toujours porté un masque, adoptant une nouvelle apparence et un nouveau rôle au gré des demandes du royaume. Plus qu’un Don, c’est sa seconde nature : Andrea est Persona. Le jour où Andrea se voit confier une mystérieuse mission, l’espoir de changer le cours de son destin et l’équilibre du monde de Lux se fait plus grand que jamais…

Dès les premières pages, j’ai été emportée par l’univers de Lux : un monde où la « Lumière » confère des dons extraordinaires, mais, en miroir, engendre exclusion, manipulation et dilemmes moraux. Cette idée, d’apparence simple, se révèle d’une richesse incroyable : elle sert de socle à une réflexion profonde sur la nature du pouvoir, la différence et le regard des autres. Ielenna réussit à tisser une intrigue à la fois lumineuse et pleine d’ombres, où chaque éclat dissimule un revers. Ce n’est pas seulement une histoire de magie ; c’est aussi un roman sur la quête de soi, l’identité et la place qu’on occupe dans une société codifiée jusqu’à l’étouffement.

Les personnages, eux, m’ont profondément touchée. Andrea, ce protagoniste multiple et secret, avance masqué – au sens propre comme au figuré – pour mieux comprendre qui il est vraiment. J’ai aimé la complexité de son parcours : ni héros parfait ni rebelle caricatural, mais un être en construction, tiraillé entre désir de conformité et besoin de vérité. Autour de lui gravitent Thisbé, Evander et d’autres figures tout aussi nuancées, jamais réduites à un simple rôle secondaire. L’amitié qui les unit n’a rien de lisse : elle chancelle, se tend, se brise parfois, mais reste toujours sincère. On sent derrière chaque lien une émotion réelle, une loyauté fragile mais précieuse.

L’univers est un autre point fort du roman. On sent le soin avec lequel il a été bâti : une capitale somptueuse, imprégnée d’esthétique gréco-romaine, où chaque détail – architecture, hiérarchies, vêtements, coutumes – participe à la crédibilité du monde. Le système des Dons, intelligent et cohérent, s’inscrit dans un ensemble politique et spirituel plus vaste : tout y a un sens, une conséquence, un prix. Cette structure donne une vraie épaisseur à l’histoire : on comprend que le pouvoir n’est jamais gratuit, et que la lumière peut, elle aussi, brûler.

Ce qui m’a le plus surprise, c’est la maturité du propos. Sous ses airs de fantasy d’aventure, Persona parle de tolérance, d’identité de genre, de pressions sociales, de ce qu’on est prêt à sacrifier pour être accepté. Ces thématiques, abordées avec délicatesse, confèrent au texte une dimension humaine forte, sans didactisme ni artifices. J’ai particulièrement aimé la manière dont l’autrice joue avec les symboles : le masque, la lumière, la cité… Autant de métaphores de la perception et du mensonge, qu’on retrouve subtilement dans les dialogues comme dans les choix narratifs.

L’intrigue, quant à elle, trouve un équilibre rare : elle installe un univers dense sans jamais ralentir la lecture. Les révélations arrivent au bon moment, les scènes d’action sont bien dosées et le ton reste maîtrisé jusqu’à la fin. C’est un premier tome qui ne cherche pas à tout dire, mais qui sait déjà où il va. Et c’est ce qui le rend si prometteur : on sent qu’il ne fait qu’effleurer la profondeur de son propre monde.

Oui, Persona : La capitale de Lumière est une excellente surprise. Il allie un univers solide, une plume soignée, un héros attachant et des questionnements contemporains, le tout dans une atmosphère à la fois poétique et engagée. C’est une lecture qui se savoure, qui fait réfléchir et qui, surtout, donne envie de retrouver ces personnages pour la suite.

Si vous aimez la fantasy avec de l’âme, des dilemmes moraux et une construction qui ne se contente pas du traditionnel « gentils contre méchants », alors ce livre vaut vraiment le détour. Pour ma part, je referme ce tome avec la conviction d’avoir découvert une autrice à suivre et une histoire qui restera dans ma mémoire, lumière et ombre mêlées.

Persona – Livre 1 de Ielenna, Hachette Romans, ISBN 978-2017195757, 19

Laisser un commentaire